Les automates et la pharmacie
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Ces dernières années, la problématique des automates, distributeurs automatiques et autres dispositifs automatisés de délivrance de produits a occupé de façon récurrente les discussions au sein de l’Ordre des pharmaciens. Dans ce contexte, et compte tenu des évolutions intervenues en pratique, ainsi que des doutes qui subsistent, le Conseil national a estimé opportun de préciser sa position antérieure sur le sujet et de rappeler certains principes importants. Les distributeurs automatiques doivent, à cet égard, être distingués des dispositifs mis en place pour retirer des produits préalablement commandés dans la pharmacie (ce qui est appelé « guichets d’enlèvement »).
Distributeurs automatiques
Les distributeurs automatiques constituent des dispositifs qui, à l’instar de distributeurs de boissons fraîches ou de produits alimentaires, permettent la mise à disposition de la patientèle de produits de santé en vente libre, sans intervention du pharmacien.
De tels dispositifs paraissent difficilement compatibles avec les missions assumées par le pharmacien en termes de santé publique et de dispensation de soins.
Le pharmacien est en effet un professionnel de la santé qui écoute, informe et conseille le patient, en vue de conserver et d’améliorer la qualité de vie de celui-ci[1]. Il veille à une délivrance responsable et à une utilisation rationnelle des produits et substances, en cherchant à éviter toute surconsommation[2]. Il assure également un accompagnement de la médication et un suivi des soins[3]. Ces missions s’accompagnent et sont rendues possibles par le principe de délivrance personnelle au patient ou à son mandataire, dans la pharmacie, des médicaments, dispositifs médicaux et matières premières[4].
L’utilisation de distributeurs automatiques peut se faire sans la présence du pharmacien et implique par définition l’absence d’intervention de celui-ci. Elle doit dès lors être rejetée tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’officine, à tout le moins pour les produits qui relèvent du monopole du pharmacien (médicaments soumis ou non à prescription et aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales)[5] et qui exigent de lui l’accomplissement des tâches essentielles, au cœur de sa profession, susmentionnées[6].
Dans l’intérêt du patient, il semble néanmoins que la présence d’un distributeur automatique puisse être tolérée sur le plan déontologique, dans des conditions strictes :
- L’automate ne permet la délivrance que de produits de santé ne relevant pas du monopole du pharmacien (préservatifs, couches, produits cosmétiques…).
- Il est conçu et disposé de façon à assurer la qualité et la sécurité des produits qu’il permet de délivrer ; le pharmacien assume une responsabilité à cet égard en vertu de l’arrêté royal du 21 janvier 2009 portant instructions pour les pharmaciens et de sa déontologie.
- Il est placé à l’extérieur de la pharmacie et y est matériellement annexé ; il relève à cet égard de la maîtrise du pharmacien, qui ne peut en céder l’exploitation[7].
- La présence d’un tel dispositif est strictement limitée à un seul appareil par pharmacie dont la dimension, la structure, la présentation sont discrets et n’envahissent pas la partie extérieure de la pharmacie ; cet appareil ne comporte aucune publicité ni ne constitue un appel, direct ou indirect, à la clientèle.
- La distribution se fait sous la responsabilité du pharmacien, dont les coordonnées sont mentionnées sur le produit vendu pour permettre, si nécessaire, un contact ultérieur avec le pharmacien.
Guichets d’enlèvement
Les guichets d’enlèvement consistent en des casiers attenants à la pharmacie, par le biais desquels le patient peut, en dehors des heures d’ouverture de celle-ci, retirer un produit qu’il a préalablement commandé et payé en personne dans l’officine. L’ouverture du casier est protégée par une clé ou par un code personnel remis(e) au patient lors de la commande.
De tels dispositifs peuvent être considérés comme admissibles, dans la mesure où le pharmacien remplit effectivement sa fonction de dispensation de soins, telle que décrite ci-dessus, lors de la présence du patient dans la pharmacie, au moment où il commande et paie son produit. Il peut également remplir ses obligations en matière de distribution de médicaments sur prescription[8], le cas échéant. La délivrance personnelle, qui va au-delà de la simple remise matérielle et effective du produit, ici différée dans le temps, peut être considérée comme assurée.
L’utilisation de ce type de guichets ne peut néanmoins s’envisager que dans des conditions strictes :
- La remise du produit au patient est urgente, mais n’est pas immédiatement possible lors de la commande passée en pharmacie.
- Seul un nombre limité de casiers est disponible pour les patients de la pharmacie. Leur dimension, leur structure, leur présentation sont discrets et ils ne comportent aucune publicité, ni ne constituent un appel, direct ou indirect, à la clientèle.
- Les casiers sont attenants à la pharmacie et fonctionnent uniquement en dehors des heures d’ouverture de celle-ci. Les produits n’y sont disponibles qu’un temps limité.
- Les casiers sont conçus et placés de façon à ne pas altérer la qualité et la sécurité des produits à retirer par le patient ; le pharmacien assume une responsabilité à cet égard en vertu de l’arrêté royal du 21 janvier 2009 portant instructions pour les pharmaciens et de sa déontologie.
- Toutes les exigences légales et réglementaires applicables à la délivrance des produits concernés (par exemple en matière d’étiquetage) sont respectées.
[1] Voir notamment le point F.7.1 du Guide des bonnes pratiques pharmaceutiques officinales (annexé à l’A.R. du 21 janvier 2009 portant instructions pour les pharmaciens), ainsi que les art. 8, 19 et 20 du Code de déontologie pharmaceutique.
[2] Art. 7, al. 1er de la loi coord. du 10 mai 2015 relative à l’exercice des professions des soins de santé ; point F.7.1 du Guide des bonnes pratiques officinales ; art. 40-41 du Code de déontologie pharmaceutique.
[3] Points F.7.1, V, et F.7.2 du Guide des bonnes pratiques officinales ; art. 37 du Code de déontologie pharmaceutique.
[4] Art. 21 de l’A.R. du 21 janvier 2009 précité. Voy. aussi l’art. 3, § 4, al. 1er de la loi du 25 mars 1964 sur les médicaments (dont l’irrespect est sanctionné pénalement) et l’art. 35 du Code de déontologie pharmaceutique.
[5] Voir la liste constituée en annexe, avec référence aux bases légales pertinentes.
[6] Dans ce sens, voy. la réponse à la question n° 228 de M. Christoph D’Haese du 5 mai 2015 (N.), Bulletin des questions et réponses, Ch. repr., sess. ord. 2014-2015, n° 54-028, pp. 176-180 (voir spéc. p. 179).
[7] Art. 76 du Code de déontologie pharmaceutique.
[8] Voir l’A.R. du 21 janvier 2009 susmentionné.